Parité : comment évolue la place des femmes dans l’entreprise ?

 Aujourd'hui, les comités exécutifs du CAC 40 comptent 27,4 % de femmes et ceux du SBF 120, 27,3 %. Si la féminisation des instances dirigeante progresse, les femmes sont encore rares au sommet. La parité homme-femme est depuis des décennies une préoccupation majeure en France, comme dans de nombreux autres pays dans le monde. Comment ce problème se reflète-t-il au niveau des lois ? Et au niveau des faits ? Quelles nouvelles avancées ont vu récemment le jour pour lutter contre ce défi capital ? 

Actualité parité

Les femmes, perdantes historiques sur le marché du travail

Le marché du travail s’est largement féminisé au cours du 20ème siècle et aujourd’hui les femmes représentent environ 48 % de la population active. Pour autant, si l’égalité en termes de quantité est presque atteinte, il reste une forte disparité dans la qualité du traitement de chaque sexe au sein de l’entreprise. Ainsi, de nombreuses femmes sont en situation précaire sur le marché du travail et occupent souvent des postes à temps partiel ou des emplois à bas salaires. Trop peu occupent des postes de dirigeantes et, de manière générale, les postes à hautes responsabilités. Les femmes sont environ 28 % en temps partiel, quand cela ne concerne que 8 % des hommes. De plus, une enquête de l’Insee sur les Pays de la Loire, révèle qu’elles sont davantage en contrat à durée déterminée (CDD) : 12 % contre 7 % des hommes. En outre, les femmes participent à hauteur de 63 % aux effectifs en CDD. À cela, s’ajoute un écart de salaire toujours manifeste : en France, les femmes gagnent 9 % de moins que les hommes pour des postes de valeur égale et 25 % en moyenne de moins tout type de postes confondus.

En mars 2023, à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, le groupe TF1 a diffusé les résultats d’un baromètre réalisé en partenariat avec l'Access Panel Toluna :

  •  81 % des Français estiment que les femmes sont confrontées à bien plus de barrières que les hommes pour réussir dans le monde professionnel.
  • 50 % des femmes pensent que le fait d’être une femme « est un frein à leur évolution professionnelle ».
  • 79 % des Français pensent que le chemin vers l'égalité femmes-hommes est encore long.

Des lois en faveur de la parité professionnelle…

Pour rétablir la parité en entreprise, plusieurs lois sont venues instaurer des obligations en matière de mixité et d’égalité dans le monde du travail ces dernières années.

En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis la création d’un instrument de mesure commun des inégalités au sein des entreprises : l’Index de l’égalité professionnelle. Noté sur 100 points, il se calcule en combinant les indicateurs suivants :

  • L’écart de rémunération femmes-hommes ;
  • L’écart de répartition des augmentations individuelles ;
  • L’écart de répartition des promotions ;
  • Le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité ;
  • La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.

En 2019, le calcul et la publication de cet index sont devenus obligatoires pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés. En 2020, la loi s’étend à toutes celles de plus de 50 salariés.

Depuis, plusieurs lois, comme celle de 2021 et celle de 2023, sont venues renforcer les obligations relatives à l’Index pour générer plus de transparence et inciter les entreprises à mettre en place des mesures concrètes pour une progression continue.

Des avancées à pondérer

Des résultats positifs

Globalement, les effets de l’index se font sentir sur ces dernières années et ils sont plutôt positifs. Lorsqu’on regarde les résultats de 2023, on peut notamment observer une plus grande transparence : 72 % des entreprises de plus de 50 salariés ont publié leur note, alors qu’elles n’étaient que 61 % en 2022 et 2021 et 54 % en 2020. 

La note moyenne progresse pour s’établir à 88 sur 100. À titre de comparaison, elle était de 86 en 2022, 85 en 2021 et 84 en 2020.

En tout, 93 % des entreprises ont une note égale ou supérieure à 75 sur 100. 

De nombreux points toujours problématiques

Seules 2 % des entreprises ont la note maximale (100), ce qui signifie que 98 % doivent encore produire des efforts pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs :

  • 1434 entreprises soit 6 % du total ont obtenu 0 sur l’indicateur du retour de congé maternité et sont donc en effraction avec la loi de 2006. 
  • Seules 28 % des entreprises respectent une parité ou une quasi-parité dans les 10 meilleures rémunérations.
  • 33 % des entreprises ont moins de deux femmes dans les 10 meilleures rémunérations.

Une prise de conscience nécessaire pour plus de parité

La reconnaissance des mécanismes mentaux

Ces dernières années, on ne s’intéresse pas seulement aux disparités entre homme et femme en entreprise, mais aussi aux mécanismes qui sont derrière cette différence de traitement. Le syndrome de l’imposteur en est un bon exemple : il existe depuis très longtemps, mais a été mis en lumière récemment. S’il est susceptible de toucher tout le monde à tout stade de la vie, il est beaucoup plus répandu chez les femmes, qui sont 50 % à éprouver ce sentiment, notamment dans le secteur de la Tech, contre seulement 39 % des hommes. Les femmes sont plus susceptibles de manquer de confiance en elles et en leurs compétences professionnelles. Elles ont tendance à se sous-estimer, à se dévaloriser en permanence, et par conséquent, ne pas penser mériter leur statut, leur salaire ou leurs qualifications.

Parmi les mécanismes mentaux, on retrouve aussi les préjugés. Ils sont encore très présents : on s’attend à ce que les femmes fassent automatiquement des enfants, que ce soient elles qui s’en occupent par la suite au détriment de leur carrière, qu’elles soient plus douces et moins affirmées que leurs homologues masculins, qu’elles soient plus soignées au quotidien, qu’elles fassent preuve de plus de pédagogie…. Dans certains secteurs dit « plus masculins », ces préjugés peuvent être particulièrement présents. C’est le cas du secteur du numérique où les femmes ne représentent que 30 % des salariés, tous type de métiers confondus, alors que dans années 50 et jusqu’aux années 70, elles constituaient 50 % des effectifs.

Après la prise de conscience vient l’adaptation. Faire une place aux femmes au sein d’une entreprise, c’est comprendre ce sentiment d’imposture et les préjugés qui peuvent peser sur elles, et trouver des solutions pour les combattre. Les entreprises prennent de plus en plus conscience de la nécessité d’instaurer un climat de confiance avec une atmosphère conviviale et motivante où le jugement et les idées préconçues n’ont pas leur place.

Faire une place aux femmes en entreprise : l’exemple du congé menstruel

Un autre sujet, invisible il y a quelques années, dont on parle aujourd’hui sans tabou ou presque : les règles douloureuses et la manière dont elles peuvent altérer la vie professionnelle.

Rien qu’en France, ce sont 2 millions de femmes qui sont touchées par l’endométriose, soit 1 femme sur 10. En février 2022, une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose est lancée par le président de la République. Certains projets comme celui du congé menstruel se mettent alors à circuler.

Il s’agit d’un congé accordé aux femmes qui souffrent d’endométriose et de règles douloureuses (dysménorrhées) et qui leur permet de s’absenter pendant un ou plusieurs jours sans perte de salaire. Selon un sondage Ifop réalisé en octobre 2022 :

  • 65 % des femmes en activité salariée ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail.
  • 66 % des salariées sont favorables au congé menstruel en entreprise.
  • 66 % estiment qu’une entreprise proposant le congé menstruel serait plus attrayante.

Si au Japon le congé menstruel est en place depuis 1947 et en Espagne les députés espagnols l’ont définitivement adopté en février 2023, son développement en France reste compliqué. 82 % des salariées craignent qu’il puisse être un frein à l’embauche ou à l’évolution des femmes. En février 2024, la commission des Affaires sociales et le vote public de l’ensemble des sénateurs ont rejeté cette mesure. Ainsi, pour l’heure en France, le congé menstruel reste au bon vouloir des entreprises. Certaines organisations ont sauté le pas comme la startup toulousaine Louis Design, le groupe Carrefour ou la mairie de Saint-Ouen.

Le congé de naissance

Depuis l’arrivée des femmes dans le monde du travail, le départ et le retour de maternité sont sujet de discorde. Les femmes étaient déjà 84 %, en 2018, à estimer que la maternité avait un impact négatif sur leur carrière.

Avec une baisse notable de 6,6 % du taux de natalité en 2023, le congé de naissance apparaît comme une solution pour réduire le déséquilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Ce congé vise à remplacer l'actuel congé parental, les deux parents pourront ainsi s'arrêter six mois aux dates qu’ils désirent en même temps, ou à la suite, à temps plein ou à temps partiel. Il sera plus court que l’actuel congé parental (3 ans), mais bien plus rémunéré. En effet, à cause de la très faible indemnisation du congé parental, seuls 1 % de parents y ont recours.

 

Ainsi, la situation des femmes, lésées depuis toujours dans le monde du travail, s’améliore. Les lois en faveur de la parité professionnelle encouragent l’arrivée de mesures et d’avancées concrètes, mais l’écart est encore manifeste et de nombreux points demeurent problématiques. Les entreprises ont encore du travail et elles doivent évoluer rapidement pour correspondre aux nouvelles exigences d’une nouvelle génération qui n’hésite pas à soulever et à condamner l’inégalité sous toutes ses formes.

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